À la rencontre de nos associations
- association VU D'ICI
- 5 déc. 2023
- 11 min de lecture


Dans le précédent numéro de Vu d’ici, nos lecteurs ont découvert le monde d’Hélène où l'imaginaire et la créativité sont à la place d’honneur. Nous n’avions alors plus assez de place dans le magazine pour évoquer les nombreuses activités qu’Hélène organise auprès des enfants, des adolescents et des adultes avec qui elle veut partager ses passions. Elle nous en parle aujourd’hui.

VU D’ICI : La liste de tes activités est longue. Tu fais des ateliers d’initiation aux arts plastiques pour des enfants et pour des adultes, des ateliers “théâtre” pour des enfants et pour des adoles- cents, des ateliers de “découvertes insolites”, tu emmènes chaque été une quinzaine d’ados au Festival d’arts de rue de Libourne, tu ne manques jamais de célébrer Halloween...
HÉLÈNE : Ça semble beaucoup vu de l’extérieur mais je n'ai pas l'impression de faire tant de choses. En fait, tout se tient. Je crois que le lien entre toutes ces activités, c’est que j’aime transmettre. Je dirais même plus, transmettre est un besoin pour moi. Peut-être que je tiens cela de mes grands-parents. Ils étaient directeurs d’école. L’école laïque, l’école pour tous, c’était leur idéal. Ils vivaient dans un village et ils allaient dans les familles pour aider les enfants à préparer le certificat d’études, gratuitement. Aider faisait partie de leur mission d’enseignant. Passionnés par leur métier, ils étaient avant-gardistes et appliquaient la méthode Freinet*.
* Mise au point par Célestin Freinet et sa femme, instituteur l’un et l’autre, la pédagogie Freinet est une démarche éducative centrée sur l’enfant et non sur le savoir à ac- quérir. Dans ce contexte, l’enfant est encouragé à s’ex- primer, se responsabiliser et s’ouvrir sur le monde.
Ma mère a été un temps prof. de maths. La trans- mission fait sans doute partie de mon ADN.
VU D’ICI : C’est, sans doute, au fil du temps que ces activités se sont mises en place...
HÉLÈNE : Oui, tout a commencé, au temps du Moulin*.
* Dans les années 90, venant de la région parisienne, Hélène s’est installée avec son mari et ses enfants, dans un vieux moulin à Souday. Elle y accueillait, dans le cadre d’un “lieu de vie” des adolescents en grande difficulté.
(voir Vu d’Ici, n°24).

J’organisais des activités avec les jeunes que j'ac- cueillais. On faisait du théâtre avec les marion- nettes et des ateliers d’arts plastiques, (dessins, peinture, modelages, sculptures...). J’arrivais de Paris, je ne connaissais personne dans le coin et j’ai eu la chance que deux mamans me fassent confiance et me confient leurs enfants. C’étaient Agnès de Pontbriand et Guillemette Roulier, qui sera maire d’Arville quelques années plus tard. Je suis toujours restée en contact avec elles. Après, le bouche-à-oreille a fonctionné. J’ai fini l'année avec quatre enfants. La deuxième année, j’en avais 9... C’était parti. Aujourd’hui, j’ai les enfants des premiers élèves que j’ai eu. Parmi mes élèves, certaines ont même choisi un métier tourné vers l’art, la bijouterie ou la décoration. Pour mon plus grand plaisir !
VU D’ICI : La graine était semée... Comment es- tu passée, ensuite, du Moulin à Mondoubleau ?
HÉLÈNE : J’ai eu la chance de rencontrer Monsieur Bernardin*.
* Georges Bernardin, instituteur, puis directeur d’école était également guide passionné du patrimoine local. Voir Vu d’ici, n° 8 et n°15.
Il cherchait à organiser des activités pour les jeunes à Mondoubleau et il m’a proposé de m’installer dans un local à la mairie. À l’époque, j’ai également commencé à faire des interventions dans les écoles. À partir de là, les ateliers ont pris leur envol. Un peu plus tard, j’ai installé un petit magasin, rue Bizieux, à Mondoubleau, où je vendais des marionnettes et des jouets en bois. J’y organisais aussi des animations autour des arts plastiques et des marionnettes.

Parmi les personnes qui m’ont aidée, je n’oublie pas aussi Pierre Fauchon**, grand passionné de jouets anciens et de livres pour enfants.
** Pierre Fauchon a été élu sénateur du Loir-et-Cher en 1992 et en 2001. II a été président de la Communauté de Communes des Collines du Perche de 1993 à 2001).

Dès le début, alors que j’étais encore au Moulin, lui aussi m’avait confié ses petits-enfants qui venaient régulièrement en vacances dans sa maison à Choue. Il m’a proposé un jour de m’installer gratuitement dans le bâtiment qui venait d’être acheté, rue Gheerbrant, pour installer la Communauté de communes. C’est à cette occasion que l'association Pirouette a été créée.
VU D’ICI : Bien trouvé ! Pirouette, c’est un nom qui correspond bien à l’esprit de ce que tu fais...
HÉLÈNE : J’ai pensé à ce nom pour deux raisons. La première, c’est qu’en quittant Paris et en chan- geant d'activité, j’avais, en quelque sorte, fait une pirouette. Et la deuxième, c’est en me souvenant de la comptine “Pirouette...Cacahuète...” Toujours mon goût pour l’enfance !
VU D’ICI : Te voilà donc installée dans le bâtiment de la rue Gheerbrant...
HÉLÈNE : Oui et en même temps, je continuais les interventions dans les écoles de la communauté de communes et dans d’autres écoles aussi, en dehors de la communauté, à Châteaudun, à Montoire, à Vendôme où j’ai travaillé pendant de nombreuses années en arts plastiques et en théâtre.
VU D’ICI : Jusqu’à présent, tu ne proposais des ateliers que pour les enfants mais un jour tu as aussi ouvert la porte à des adultes. Comment cela s’est-il passé ?

HÉLÈNE : C’est une demande qui est venue des adultes. J’étais déjà installée dans le bâtiment de la communauté de communes et certaines personnes m’ont suggéré de faire aussi des ateliers pour les adultes. Elles avaient envie de dessiner, de peindre, d'explorer ce domaine. J’ai aimé cette idée et j’ai ouvert un atelier de création. Dans cet atelier, je tenais – et je tiens toujours – à ce que chacun puisse s’exprimer sans jugement, sans avoir à respecter des valeurs conventionnelles. On ne se soucie pas du “Beau”. Ce qu’on cherche, c’est de faire sortir quelque chose de soi. Il s’agit essentiellement de s'exprimer, de se sentir bien, pour soi, dans ce qu’on fait, de se sentir bien dans le groupe.
VU D’ICI : Voilà des années maintenant que tu animes ces ateliers. Si je fais le compte, cela fait 36 ans ! Et tu arrives à être toujours aussi motivée ?
HÉLÈNE : Toujours ! Depuis le début, je me suis dit : quand je m'ennuierai, j’arrêterai. Je ne me suis jamais ennuyée. Je suis toujours en recherche. Par exemple, il m’arrive d’aller dans une brocante et de voir un objet qui me donne des idées. En fait, je ne m’appuie jamais sur ce que j’ai déjà fait. Je me sers, bien sûr, de mon expérience mais c’est im- possible que je fasse deux fois la même chose. C’est toujours du nouveau.

VU D’ICI : Tu te laisses toujours surprendre... tu improvises...
HÉLÈNE : Pour une part, oui, mais pas pour la conception des ateliers. Un atelier ne se passe bien que si tu le prépares. Je choisis un thème qui va servir de support. Au fil des années, nous avons vu les jardins, l’habitat, plusieurs civilisations, les contes et bien d’autres thèmes. L’année dernière, on a travaillé sur le thème du voyage, cette année, j’ai choisi les animaux.
Nous en profitons toujours pour aborder l’histoire de l’art. Par exemple, quand on travaille sur le thème des animaux, on va aller faire un petit tour du côté du Rhinocéros de Dürer, de celui de Niki de Saint-Phalle ou du Chat botté de Gustave Doré. Cela se termine souvent par une exposition. L’année dernière, la maison de retraite s’est associée à Pirouette pour en organiser une. C’était un moment partagé avec convivialité et émotions.
J’ai aussi demandé à chacun d’apporter une paire de bottes à peindre, pour surprendre et se servir de supports originaux. Nous allons même nous intéresser à Sophie la girafe qu’une adulte a proposée.
VU D’ICI : Quel rapport entre une paire de bottes et le thème des animaux ?


: Le Chat botté, bien sûr !VU D’ICI : Tu choisis donc un thème chaque année pour tes ateliers...
HÉLÈNE : C’est plutôt une trame que je choisis et je me laisse la liberté de faire des découvertes, de prendre des chemins buissonniers. Par exemple, la semaine dernière, dans une brocante, j’ai trouvé une statuette en résine représentant un gentleman avec une tête de chien. Je me suis dit que j’allais proposer de fabriquer des sculptures mi-homme, mi-animal.
VU D’ICI : Toujours en relation avec les arts plastiques, tu organises chaque été une semaine “peinture”.
HÉLÈNE : Nous nous sommes souvent dit avec Joël, mon mari, que ce n’était pas la peine de courir le monde et qu’il y avait pas très loin de chez nous des choses très belles à voir. Cela peut être un pont, un puits, un lavoir, un château... La découverte est au bout d’un petit chemin du Perche. Je me souviens qu’un jour, à La Ville-aux-Clercs, on est arrivé devant une ravissante petite église, perdue dans la campagne. En continuant notre chemin, on est tombé sur une magnifique porte sculptée. Il n’avait fallu que quelques pas pour découvrir deux merveilles.

Pourquoi ne pas faire des ateliers “hors les murs” à la découverte de petits coins extraordinaires, les raconter, les replacer dans leur histoire, faire leur “portrait”. C’est comme ça qu’est née l’idée d’aller, chaque année, passer quelques jours pour peindre dehors. Cette année, on est allé découvrir le petit lavoir de Saint-Maixent. C’est un petit lavoir à deux étages où les femmes faisaient sécher leur linge à l’étage. Je ne crois pas qu’il en existe ailleurs.
L’aventure est au bout du chemin, ce n’est pas la peine de faire 3.000 km.
VU D’ICI : Parlons maintenant des ateliers de théâtre...
HÉLÈNE : J’aime tout ce qui touche au théâtre. En fait, c’est par les marionnettes et le théâtre d’ombres que j’ai abordé le théâtre. Dès le début, au Moulin, j’ai fait des ateliers avec les enfants et avec les adolescents. J’aime faire découvrir des textes, des histoires, mettre en scène des enfants. J’essaie de créer une ambiance de troupe en partant 4 jours en tournée dans les villages des environs.
VU D’ICI : Comment fais-tu le choix des pièces ? Toute seule ou avec les participants aux ateliers ?

HÉLÈNE : Avec les participants. Pour commencer, au premier trimestre, nous faisons des jeux d'improvisation. Ce qui me permet de sentir comment le groupe fonctionne, sentir ce qui pourrait leur plaire. Ensuite, je leur propose des pièces. On les lit et on choisit. L’année dernière avec le groupe des ados, on a lu 14 pièces et, finalement, c’est moi qui ai choisi, ils avaient du mal à le faire. Avec les enfants, on est parti sur l'adaptation d’une BD de FRED, peu connue du grand public. C’est un voyage entièrement basé sur l'imaginaire que nous avons remanié. Ensuite, chacun choisit son rôle et commence à apprendre son texte. Les deux derniers trimestres sont consacrés aux répétitions et à la mise en scène.

VU D’ICI : Et vous ne jouez la pièce qu’une seule fois ?
HÉLÈNE : Au début de la création de l’atelier théâtre, on ne jouait la pièce qu’une seule fois. Puis un jour, à l’issue de la soirée (on avait mis en scène La cantatrice chauve de Ionesco), ils ont tous exprimé leur frustration : “On s’est mis dans la peau du personnage, on a travaillé pour le rendre vivant et voilà... une seule représentation et il n'existe plus”. Je leur ai répondu : “D’accord, eh bien, l’an prochain on fait une tournée !”
VU D’ICI : Et ces tournées durent combien de temps ?
HÉLÈNE : Elles durent quatre jours et on va dans différents villages de la communauté de communes. Chaque année, la troupe dort à Baillou qui nous prête gentiment sa salle des fêtes et après on joue ici ou là. On a joué par exemple au château de Glatigny, à La Grange de Saint-Agil, à Mondoubleau. On a aussi joué à Choue. C’est variable.

VU D’ICI : Tu organises aussi chaque année une escapade à un festival de théâtre de rue...
HÉLÈNE : Oui, c’est le festival Fest’Art, à Libourne près de Bordeaux. C’est un gros festival. Il y a près de 50.000 personnes dans les rues. C’est ma fille Maud qui a eu l’idée d’emmener un petit groupe découvrir les arts de la rue. On part pour 5 jours, au mois d’août. La première année, j’ai amené un petit groupe de 7 personnes. Ça c’est super bien passé. On a vu des spectacles magnifiques, cirque, danse, théâtre, marionnettes... On a remis ça l’année suivante. Le groupe s’est agrandi, aujourd'hui, il a doublé. Au début, il n’y avait que des adolescents, maintenant j’ai ouvert le groupe aux enfants à partir de 8 ans. On est logé dans un camping à la ferme, avec piscine, et des animaux partout. Il y a même un dromadaire !
On passe la journée dans les rues de Libourne et il est rare qu’on revienne avant une heure du matin. En moyenne, on voit 25 spectacles par jour. On s’endort avec des étoiles plein les yeux.
VU D’ICI : Et Halloween...

HÉLÈNE : L’idée de célébrer Halloween est venue de Monsieur Fauchon ou plutôt de ses petits- enfants qui vivaient en Angleterre et – comme je l’ai dit tout à l’heure – venaient passer régulièrement les vacances chez leur grand-père à Choue. À l’époque, personne ici ne connaissait Halloween qui n’est arrivé en France que vers la fin des années 90. Nous étions encore au Moulin. C’était la période de la Toussaint et les petits-enfants de Monsieur Fauchon étaient là : – “Hélène, il faut qu’on prépare Halloween !” – “Halloween ? Qu’est-ce que c’est que ça ?“ Ils m’ont expliqué qu’en Angleterre tous les enfants, ce jour-là, se déguisent en personnages fantastiques et effrayants, fantômes, sorcières,
gnomes, pirates, vampires, etc. et vont sonner de porte en porte en demandant des bonbons : ”trick or treat !” c'est-à-dire « des bonbons ou un sort ! “. C’était notre première célébration d’Halloween, en tout petit comité.
Quand je me suis installée à Mondoubleau, j’ai continué à fêter Halloween. D’abord toute seule, pendant quelques années, puis avec Julien Ouzilleau qui était le directeur de L.A.G.A.R.E.*
* Lieu d’Accueil Groupant Animations Renseignements et Éducation, association située à l’ancienne gare de Mon- doubleau.
Avec les jeunes qui fréquentaient L.A.G.A.R.E., on fabriquait des chars, on les décorait, on se costumait. On y passait des soirées et des soirées, quelquefois jusqu’à 4 heures du matin. C’était une super ambiance. Le jour de la fête d’Halloween, on défilait dans les rues de Mondoubleau avec des chars, l’attelage de percherons de Christian Hal- louin**, un de mes amis.
** Alors directeur de la Commanderie d’Arville et président de l’Office du Tourisme du Pays de Vendôme, Président de la Société des courses à Mondoubleau et grand amateur d’attelages percherons.
Il fallait barrer les rues, faire appel aux gendarmes. On terminait tous sous la halle de la mairie avec
une soupe géante aux potirons. Mais nous avons été dépassés par notre succès.

Les dernières années, il fallait gérer 340 personnes. En plus, il y en avait certains qui glissaient vers l’horreur avec des masques dégoulinants de sang inspirés des films de la série Scream. Je n’aime pas du tout ça ! Halloween pour moi, c’est le fantastique, le magique et pas l’horreur ! À cause de tout ça, j’ai décidé de faire marche arrière et de revenir à quelque chose de plus petit que je pouvais maîtriser.
VU D’ICI : Tu as donc continué à organiser quelque chose pour Halloween mais en réduisant la voilure...
HÉLÈNE : Oui. Je me suis repliée sur Baillou, la commune où j’habite. La mairie a été particulièrement accueillante en me permettant, sans contre- partie financière, d’utiliser la salle des fêtes. On organise tout un petit parcours nocturne, ponctué de surprises préparées par les parents et par les ados. Après, il y a les traditionnelles soupes au potiron et aux orties accompagnées, pour le dessert, de châtaignes et de chamallows au feu de fois. Halloween est redevenue familiale, conviviale, à sa juste mesure. C’est ouvert à tout le monde. On tourne aux environs de 100-120 personnes et
c’est très bien ainsi. Sans masque sanglant ou faux-couteau planté dans le dos ! Je le spécifie à chaque fois.
Sans les bénévoles, parents et ados, cette forme ne pourrait pas avoir lieu de cette façon.
Lorsqu’à l’issue de notre entrevue, nous avons demandé à Hélène ce qu’elle aimerait dire en conclusion, elle a répondu que toute cette aventure extraordinaire n’aurait pas pu se faire sans la confiance des parents, sans l’investissement des bénévoles, adolescents et adultes, sans le soutien des présidents successifs de la Communauté de communes et sans celui de la mairie de Baillou et celle de Mondoubleau. C’est d’une aventure collective qu’il s’agit dont elle a l’immense plaisir d’être le capitaine. Tout au long de ce chemin, de belles rencontres et pas un instant d’ennui !



