C'était comme ça avant
- association VU D'ICI
- 10 déc. 2023
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 août 2024
Il arrive de temps en temps que quelqu’un nous raconte un souvenir, une anecdote de la vie d’avant, évoque des savoir-faire, des connaissances oubliées, des manières d’être que l’on n’a plus. Chaque fois, le passé nous fait un petit signe.
De là est venue l’idée de proposer à nos lecteurs de partager, dans les pages de Vu d’Ici, ces traces encore vivantes d’un monde si proche et pourtant si différent de celui dans lequel nous sommes aujourd’hui immergés.
Nous espérons que vous serez nombreux à le suivre et à nous raconter comment c’était avant.
Le premier article nous vient d’Elie Jeulin que nos lecteurs connaissent bien maintenant.
Ma jeunesse à bicyclette
(
En 1943, j’obtiens mon certificat d’études primaires.
Ma mère me demande peu après de prendre son vélo et d’aller au Bureau de Poste pour envoyer un télégramme :
- Que dois-je écrire ?
- Tu mets OUI, c’est tout ! Oui et l’adresse : 133 rue de Rome, Paris XVIIème”.
Quelques jours ont passé et mon père est allé à la gare avec la carriole. Au retour, dans la carriole, il y avait un vélo qui m’était destiné, pour mes 14 ans et l’obtention de mon certificat d’études. Il n’était pas neuf mais j’étais heureux d’avoir un vélo.
À l’époque, je me faisais de petites économies en rendant services à des anciens qui me demandaient de tailler leurs arbres par exemple. Avec cet argent, j’ai pu faire mettre un dérailleur et un guidon de courses par le mécanicien Niel à Montplaisir. Ce qui m’a coûté 1.100 anciens francs. Jusqu’à mes 20 ans, ce vélo m’a permis tous les loisirs de ma jeunesse.
Le Tour de France reprend après la guerre, en 1947, je me souviens de Robic gagnant ce tour sans avoir porté le maillot jaune.

En 1953 ou 54, une course de vélo-cross est organisée au carrefour de La Poulinière près de Savigny-sur-Braye. Le circuit contourne un îlot de maisons dans le carrefour du hameau. Le terrain plein de trous et de bosses est naturellement assez accidenté. On est environ 15 coureurs cyclistes à participer à la course.
Une fois le départ donné, il faut suivre une Citroën décapotée qui a pris la route du Vieux Puits. On s’engage ensuite sur un chemin de terre. Un nuage de poussière tombe sur les coureurs. Finalement, on retrouve la route qui va nous ramener à la Poulinière. Mais ce n’est pas si simple ! Il faut d’abord prendre un petit pont en bois, plutôt étroit, qui débouche sur sentier accidenté.
On doit faire cinq tours de ce circuit. Un coureur devant moi s'engage trop vite et se retrouve dans la haie d’épines. Je remarque qu’il a une chevelure très garnie et noire. Je ne l’ai plus revu par la suite.
Les commissaires comptent les tours de chaque coureur. Ils ne sont pas sûrs de mes passages. Alors, ils me font faire un tour de circuit en plus. J’arrive quand même troisième et je reçois la somme de 300 AF.
On est trois camarades d’école de l’enseignement agricole de Blois. On a pris l'habitude de se retrouver une fois l’an chez l’un d’entre nous. Aujourd’hui, on fait une sortie chez Raymond Delory, à Houssay, à bicyclette, bien sûr. Direction Montoire, Lavardin, une côte très pentue et on arrive à Sasnières. Au carrefour, on prend à gauche vers Houssay et on arrive à la Raboterie, la ferme des parents de Raymond.
Nous sommes invités à partager le repas au cours duquel le papa de Raymond nous parle de sa vie de paysan.
C’est la Saint-Jean, il y a un bal musette à Prunay-Cassereau. J’invite une jeune fille que je ne connais pas à danser. Un garçon s’approche de moi et me souffle sa fumée de cigarette dans la figure. Dans ces cas-là, on ne répond pas. Je ne suis pas du secteur.
Jean, un copain, retrouve un collègue. Il a une voiture. Il propose de nous reconduire à la Poulinière avec nos vélos. Nous voilà partis. À la Poulinière, c’est aussi le bal de la Saint-Jean. Je m’y arrête avant de rentrer à la Clergerie. Une voisine, Solange, m’invite à danser. C’est la première fois que je me fais inviter.
C’est le bal des Miss à Marolle. Les sœurs Chérami sont élues miss toutes les deux. Le bal est très animé. Les jeunes filles de la Sarthe ne sont pas fières, on se tutoie facilement et on danse. Un jeune fille me demande de la reconduire chez elle. Je ne refuse pas mais je ne sais pas où elle habite. De Marolle on rejoint Montaillé en passant par Saint-Calais. C’est à l’opposé de chez moi. Service rendu avec la bise, je n’ai plus qu’à rentrer. Par malchance, le pneu de la roue avant de ma bicyclette éclate, près de Marolles. Mon futur beau-frère n’habite pas très loin, chez sa grand-mère. Par chance, il était là. Je lui emprunte son vélo et je lui laisse mon épave.
Le bal de l’assemblée d’Epuisay rassemble beaucoup de jeunes venus des villages environnants. Les cavalières ne manquent pas et je danse. L’une d’elles me demande de la reconduire, pas de refus. Je n’ai plus qu’à suivre direction Sargé et Rahay. On passe un petit ruisseau, il y a une passerelle en bois. Encore un effort, il faut monter vers Coulonge. On se quitte, je n’ai pas le souvenir de la bise. Je n’ai plus qu’à rentrer, mais j’oublie la passerelle, j’ai donc pris un bain de pied. Je n’ai jamais revu la demoiselle.
Mon futur beau-frère, Maurice, avait pris l’initiative d’aller au bal des Catherinettes à Mondoubleau. C’est au mois de novembre 1952, et la neige avait déjà fait son apparition.
On devait rejoindre sa cousine Raymonde, Gisèle une voisine et ma sœur Solange. En retrouvant ces jeunes filles, elles m’ont embrassé, j’avais 17 ans, je crois que c’était la première fois que des jeunes filles m’embrassaient.
Les demoiselles qui avaient passé les 25 ans et qui étaient toujours célibataires, étaient coiffées d’un chapeau avec des couleurs. Elles étaient faciles à repérer. C’était une belle ambiance et on dansait dans la halle du marché.







