Des justes à Sargé
- association VU D'ICI
- 31 déc. 2023
- 4 min de lecture


Nous sommes en automne 1939. L’Allemagne vient d’envahir la Pologne. La Grande-Bretagne et la France lui ont immédiatement déclaré la guerre. Nathan Glowinski, Juif d’origine polonaise, prend la décision, pour défendre la France qui les avait accueillis, de s’engager dans la Légion Étrangère. Il laisse à Paris - où il les pense en sécurité - sa femme, Anna, et ses deux petits garçons, Roland 3 ans et Albert 1 an. Nathan sera fait prisonnier par les Allemands et retenu dans un camp jusqu’à la fin de la guerre.

Le 14 juin 1940, à l'aube, les Allemands entrent dans Paris.
Ils plantent, sur la tour Eiffel, le drapeau à croix gammée.

Comprenant qu’elle n’est plus en sécurité, Anna rassemble quelques affaires et prend le premier
train pour quitter la ville.
Le train est immobilisé à 180 km de Paris dans la petite gare de Sargé-sur-Braye. La voie est
bombardée. On loge les réfugiés dans l’école du village.

Madeleine Botineau est boulangère

à Sargé. Elle est veuve de guerre, (son
mari a été gazé dans les tranchées). Son
fils, Roger, 21 ans, est au fournil tandis
que sa fille Madeleine, 14 ans, et sa
mère, Marie Fauveau, l’aident à la bou-
tique. Madeleine Botineau et Anna Glo-
winski se lient rapidement d’amitié.
Boulangerie de Madeleine Botineau
Source : Association Les amis de Sargé du Perche
Le 17 juin 1940, le maréchal Pétain
prend la parole à la radio : “C'est le
cœur serré que je vous dis aujourd'hui
qu'il faut cesser le combat... »
(Le même jour, le général de Gaulle
prend l'avion pour Londres.)
Le samedi 22 juin 1940, l'armistice est signé à Compiègne, dans la clairière de Rethondes.
C’est là, dans ce même wagon, positionné au même endroit qu’avait été signé, le 11 novembre,
à la demande du gouvernement allemand, l’armistice mettant fin à la Première Guerre Mondiale.
Pour les Allemands, l'humiliation de la défaite ne s’est jamais effacée depuis. Cette fois-ci, c’est le
gouvernement français, conduit par le maréchal Pétain, qui reconnaît la suprématie allemande et
demande l’arrêt des hostilités.

L’armistice est signé, c’est donc la fin des combats. Anna Glowinski et ses deux petits garçons
rentrent à Paris. Dans un Paris qui n’est plus le même.


1941-1942 - Le IIIe Reich, pour-suivant son objectif d’extermination des populations juives, met en place des rafles massives.
Madeleine et sa fille l’apprennent.
Elles étaient restées en contact avec

Anna Glowinski et elles lui proposent
immédiatement de revenir à Sargé.
Anna hésite mais finit par consentir,
au moins, à leur confier Albert et
Roland. Les deux femmes partent à
Paris chercher les deux petits gar-
çons. Ils seront, durant toute la
guerre, les “neveux de la ville”. Le
secrétaire de mairie leur fournit des
faux papiers. Ils vont à l’école pri-
maire. On les appelle “les enfants de
la boulangère”. Le dimanche, Made-
leine et sa fille, catholiques prati-
quantes, les emmènent à la messe avec elles et, il faut le préciser, sans jamais chercher à les convertir. Tout le monde sait qu’il s’agit d’enfants juifs cachés, mais il n’y aura aucune dénonciation malgré la présence, dans le village, de partisans du régime de Vichy.
Cependant à Paris, les rafles s’intensifient.
Les gendarmes frappent un jour à la porte d’Anna.

“Où est votre mari ?”
- “Prisonnier en Allemagne”.
Comprenant qu’elle est la femme
d’un combattant, touchés, les gen-
darmes lui donnent 24 heures pour
disparaître. Cela suffit à Anna pour
prendre le premier train en direction
de Sargé.
On imagine avec quelle joie, Roland, Albert et toute la famille Botineau l’ont accueillie.
Mais il faut être prudent. Anna doit se cacher. Marie Fauveau, la mère de Madeleine, l’hébergera
chez elle jusqu’à la fin de la guerre. Anna, devenue “Tante Anna” pour la famille Botineau, passera
ainsi, avec ses deux petits garçons, les dernières années de la guerre à Sargé, menant une vie
presque normale.

À la Libération, toute la famille aura la chance d’être réunie.
Quant aux deux familles, Glowinski et Botineau, elles resteront en contact, unies à jamais par bien
plus qu’une amitié.


Le 30 janvier 2005, l'institut Yad Vashem de Jérusalem a
décerné à Madeleine Botineau et ses enfants Roger et
Madeleine ainsi qu'à Marie Fauveau le titre de Juste par-
mi les Nations.
Diplôme d'Honneur pour les Justes
© yadvashem-france.org (DR)


Discours de Simone Veil
“Certains Français se plaisent à flétrir
le passé de notre pays. Je n’ai jamais
été de ceux-là. J’ai toujours dit, et je le
répète ce soir solennellement, qu’il y a
eu la France de Vichy, responsable de
la déportation de soixante-seize-mille
juifs, dont onze mille enfants, mais qu’il
y a eu aussi tous les hommes et toutes
les femmes, grâce auxquels les trois
quart des Juifs de notre pays ont
échappé à la traque. Dans aucun pays
occupé par les nazis, à l'exception du
Danemark, il n’y a eu un élan de solida-
rité comparable à ce qui s’est passé
chez nous.”
Cérémonie du Panthéon
en hommage aux Justes de France
8 janvier 2007
Document de la police française, 1942,
identifiant Simone Veil comme juive (DR)
Sources : Les “Justes parmi les Nations” de la région Centre et leurs protégés, livre publié sous la direction de la Mission
interdépartementale Mémoire et Communication (MIMC) de la région Centre.
Site Yad Vashem : https://yadvashem-france.org/dossier/nom/10482/


